Le 21.06.2016 à 20h00 | Mis à jour le 21.06.2016 à 20h00
Des recherches en cours devraient pouvoir mettre un terme à l'énigme concernant l'occupant de la tombe KV55, dans la Vallée des rois. Épilogue d'une controverse de plus de 100 ans.
Statue d'Akhenaton (Amenhotep IV), le pharaon "hérétique" de la XVIIIe dynastie
FEUILLES D'OR. C'est un mystère vieux de plus de 110 ans que les égyptologues s'apprêtent à résoudre. Et pour y parvenir, l’American Research Center (ARCE) vient de débloquer 28500 dollars pour financer l’étude de 500 feuilles d’or, à la demande des responsables du Musée du Caire et du ministère des Antiquités égyptiennes. Mais en quoi ces feuilles d'or peuvent-elles aider à démêler un imbroglio archéologique? C'est que selon le ministère, ces précieuses dorures pourraient avoir un lien direct avec l’identification du tombeau d’Akhenaton (Amenhotep IV) (1346-1329 av. notre ère), le célèbre pharaon de la XVIIIe dynastie, père de Toutankhamon! La tombe supposée de ce souverain est en effet l'une des sépultures les plus controversées de l’Egypte antique.
Le dénouement de ces nouveaux travaux devrait permettre de prouver que l’occupant de la mystérieuse tombe KV55, découverte dans la vallée des Rois, au cœur de la nécropole thébaine, au début du XXe siècle, est bien Akhenaton, le pharaon «hérétique». Celui qui en moins de deux décennies avait rompu avec deux millénaires de croyances, en décidant d'abandonner le culte d'Amon-Rê, pour aller fonder, au milieu du désert de moyenne-Egypte, une cité, en imposant un nouveau culte au dieu solaire Aton.
Caisse aux feuilles d'or récemment découvertes au Musée du Caire. Elles proviendraient de la tombe KV55 de la Vallée des rois
"Il y a quelques mois, les conservateurs et restaurateurs du musée de la place Tahrir, au Caire, ont mis la main sur une caisse en bois qui contenaient plusieurs centaines de feuilles d’or, un fragment d’os crânien et d’autres éléments organiques et minéraux", explique l’égyptologue Marc Gabolde, de l’université Paul Valéry-Montpellier III.
Une première analyse de ces objets dirigée par Elham Salah, a permis aux conservateurs égyptiens de mettre en rapport ces feuilles d'or avec l’admirable sarcophage incrusté de pierres fines retrouvé dans la tombe KV 55 par Edward Russel Ayrton et Theodore M. Davis, en 1907. "D’autres feuilles d’or provenant de l’intérieur de la cuve du cercueil et de son couvercle, avec notamment des textes, avaient déjà été identifiés par le passé au Musée du Caire, et en partie étudiées", ajoute Marc Gabolde. De plus, quelques-autres feuilles d’or avaient aussi été transmises au Metropolitan Museum of Art de New York (Etats-Unis) par Theodore M. Davis lors du partage du contenu de la sépulture, comme cela se faisait à l’époque entre l’Egypte et les nations découvreuses. Alors qu'un ensemble important, restitué depuis à l'Egypte, s'était retrouvé à Munich (Allemagne). "Le lot récemment retrouvé serait donc le complément de ces éléments et il devrait permettre de reconstituer une très grande partie du décor et des inscriptions de l'extérieur et, surtout, de l'intérieur du cercueil", poursuit l’archéologue.
Or il se trouve que dans l’Antiquité, ce cercueil aujourd’hui exposé au Musée du Caire, a été modifié pour accueillir la dépouille d’un roi… (A l’origine, il était destiné à Kiya, une épouse secondaire d’Akhenaton). "Depuis sa découverte, de nombreuses hypothèses ont été formulées sur l’identité du dernier occupant du cercueil ainsi que de sa momie, très abîmée, et réduite à l’état de squelette", déclare Marc Gabolde.
Le sarcophage très dégradé, photographié au moment de sa découverte, en 1907, dans la tombe KV55 de la nécropole royale de la Vallée des rois.
Dans l’Antiquité, après son inhumation dans le tombeau KV 55 dans de la Vallée des rois, cette sépulture a été profanée, et ses cartouches (titulatures), ainsi que le visage en or du cercueil ont été volontairement mutilés, rendant l’occupant anonyme… Or quel puissant personnage avait-il pu de son vivant déclencher autant de ressentiment, pour qu’une fois mort, certains aient voulu le défigurer pour l’éternité? "Pendant un temps, les égyptologues ont favorisé le nom du mystérieux roi Smenkhkarê, précise Marc Gabolde. Mais aujourd’hui, les scientifiques sont plutôt enclins à considérer qu’il s’agit de la dépouille d’Akhenaton, ce qui est également mon avis après avoir examiné en détail les inscriptions figurant sur les vases canopes retrouvés avec le cercueil", conclut l'égyptologue.
Des tests ADN pratiqués sur cette momie en 2010, sous la direction de Zahi Hawass, avaient déjà établi que cet individu mâle était le fils d’Amenhotep III et de la reine Tiyi, ainsi que le père de Toutankhamon, et donc Akhenaton. "L’examen de ces fragments de feuilles d’or et cette nouvelle étude pourraient désormais permettre de clarifier l’histoire de ce sarcophage, et –c’est l’espoir de tous–, d'identifier définitivement le défunt inhumé dans la tombe KV55", espère Marc Gabolde.
KV55, une tombe problématique
Découverte en 1907, la tombe KV55 contenait une grande quantité de matériel funéraire royal appartenant à la XVIIIe dynastie, dont un grand cercueil en bois doré, des vases canopes (dans lesquels étaient conservés les viscères embaumés du défunt). Cet hypogée aurait servi de cachette à des membres de la famille royale ramenés de la nécropole d'Amarna, la cité éphémère qu'avait fait bâtir loin de Thèbes, Akhénaton, le pharaon du Nouvel Empire. En 1992-1993, lors d'une nouvelle étude, Lyla Pinch Brock, une archéologue canadienne, y avait mis au jour un ostracon peint (fragment de céramique), sur lequel figurait une partie du plan originel du tombeau antique.